Sam Nati dirige les opérations de simulcasting au Hong Kong Jockey Club, et notamment l’organisation du World Pool, qui regroupe différents acteurs du pari mutuel dans le monde autour de masses communes partagées à l’occasion des principaux rendez-vous internationaux. Il fait le point sur les tendances actuelles du pari hippique à Hongkong, et plus globalement dans une région en pleine évolution…
Rappelons que le Hong Kong Jockey Club a réalisé un chiffre d’affaires record de 36 milliards d’euros la saison dernière, dont 16,6 à travers les courses hippiques, le reste étant partagé entre le football (+9% à 18,7 milliards) et la loterie.
- HKTurf. - Sur quels supports les parieurs de Hongkong jouent-ils le plus volontiers ?
- Sam Nati. – Avant la COVID, à Hong Kong, environ 70 % du chiffre d'affaires se faisait via les canaux numériques. Puis, pendant la COVID, c’était la seule option disponible pour parier. Aujourd’hui, 86 à 87% des enjeux proviennent des canaux numériques. Hongkong a toujours été un peu en avance sur ce plan-là. Nous devons satisfaire les attentes de nos clients : chaque pays, chaque marché a ses particularités et ses influences culturelles, qui font que chaque population parie à sa façon. Or nous avons toujours eu plus de joueurs sur le numérique que la plupart des autres juridictions.
- Malgré tout, il y a toujours autant de guichets sur vos hippodromes…
- C'est vrai. Nous ne les avons pas fermés. Or de nombreux visiteurs continuent de parier via leur smartphone. Il semble que cela soit devenu la norme. Nos clients à Hongkong prennent l’étude de leurs paris très au sérieux. Et ils aiment attendre le plus longtemps possible pour essayer d'obtenir le plus d’informations possible avant de miser.
- Maintenez-vous votre réseau de points de vente ?
- Oui, mais sa fonction évolue. De toute évidence, les points de vente sont moins pertinents qu'ils ne l'étaient. Mais ils gardent une importance stratégique. Ce n'est pas mon domaine, mais le Club peut se servir de ce réseau pour promouvoir les courses, créer des événements et les utiliser malgré un chiffre d'affaires moins important pour une stratégie à plus long terme. Nous avons encore une centaine de points de vente et leur rôle a évolué.
- Combien de comptes avez-vous ?
- Environ un million et demi, dont un demi-million de comptes actifs. Pour ouvrir un compte ici, vous devez avoir une carte d'identité, une adresse et un compte bancaire local. Vous devez donc vivre ou avoir vécu à Hongkong.
- Les parieurs ont-ils des préférences entre vos deux hippodromes ou certaines journées ?
- Nous avons pu constater de légers changements dans le comportement des clients depuis la COVID. Les enjeux des réunions des week-ends ont un peu reculé parce que, sans doute, le public peut s’évader, voire voyager à nouveau, et c’est pendant les week-ends que notre public est le plus susceptible de s’en aller. D’une façon très synthétique, le chiffre d’affaires à Sha Tin est un peu supérieur à Happy Valley mais cela tient à une conjonction de facteurs : il y a 14 partants à Sha Tin contre 12 au maximum à Happy Valley, où le niveau des courses est globalement un peu inférieur. De même, quand nous courons le samedi à Sha Tin au lieu du dimanche, comme nous le faisons environ une fois par mois, le niveau du programme est souvent un peu moins bon que celui des dimanches, et les résultats s’en ressentent. Cela étant dit, vous pourrez observer que les enjeux augmentent à mesure que l’on monte en qualité. Il me semble que cette notion de prime à la qualité est plus significative à Hongkong que ce que j'ai noté sur la plupart des autres marchés. Pour mettre un bémol, tout de même, on note que les bonnes courses sont généralement en fin de programme, où les paris augmentent de façon systématique. Comme vous le voyez, les tendances naissent rarement d’un seul facteur.
- Quelle part de votre activité occupe le simulcasting avec d’autres pays ?
- C’est une part qui a beaucoup augmenté au fil des années. Nous avons commencé en 2013-2014, avec un chiffre d'affaires très, très faible et un très petit nombre de partenaires. À la fin de la saison dernière, cette part représentait 20% du chiffre d'affaires total de la saison de Hongkong. Cette saison, nous arrivons déjà à 23-24%, et ça continue d’augmenter. En revanche, le marché domestique s’est stabilisé. La progression de l’un comble ainsi plus naturellement le recul de l’autre. Mais la masse commune est devenue une partie très importante de l'écosystème.
- Est-ce le résultat d’une stratégie ?
- Vous savez, les marchés de la plupart de nos partenaires – je parle ici de la France, de l'Australie, du Royaume-Uni ou de l'Amérique- sont très matures. Vous n'obtiendrez pas une croissance énorme de ce côté-là. Vous pourrez compter sur une croissance organique, mais nous n'allons pas avoir de progression spectaculaire sur ce périmètre. En revanche, nous pouvons beaucoup attendre du marché asiatique. Beaucoup de pays de la région ont une population importante, et une propension à jouer, c'est évident. Pour autant, ils n'ont pas forcément le cadre réglementaire qui se prête à un partenariat. Il y a aussi beaucoup de paris illégaux dans certains pays. Toutefois, pour répondre à votre question, je pense que c'est de notre propre région que la prochaine grande évolution peut être attendue.
- On a vu, pourtant, que Singapour allait fermer ses portes…
- C’est vrai, mais d’après ce que nous savons, on pourra continuer de parier à Singapour sur les courses étrangères, et Hongkong sera probablement le produit le plus familier aux parieurs de Singapour. Maintenant, il faut savoir comment cela évoluera en l’absence d’activité hippique locale. Nous verrons. À court terme, cependant, nos courses répondront sans doute à la demande à Singapour. La Corée du Sud a des règles spécifiques mais la réglementation évolue et elle devrait permettre aux Coréens de parier en ligne, et peut-être en simulcasting.
- Reste la Chine Populaire…
- Comme vous le savez, nous avons un hippodrome en Chine, à Conghua, et nous prévoyons d'y tenir une réunion de courses officielle dans les toutes prochaines années, et davantage ensuite… Nos parieurs et nos partenaires pourraient parier sur ces courses mais pas les citoyens de la République Populaire. C’est ainsi que nous commencerions. Mais c’est une énorme nouveauté.
- Les courses européennes se déroulent généralement quand la nuit est déjà bien avancée à Hongkong. Pourtant, le chiffre d’affaires réalisé est considérable. Comment les parieurs suivent-ils ces réunions ?
- Principalement en ligne via leur application, ou notre site Web. Hongkong est un marché tout à fait unique. Ici, le chiffre d'affaires a tendance à augmenter à mesure que vous vous rapprochez de minuit. L’activité est aussi forte à 23h qu’à 20h. C’est propre à Hongkong. Vous ne verrez pas cela souvent ailleurs…
- Les résultats ont été spectaculaires quand vous avez commencé à proposer notre programme en été, en dehors de la saison de courses à Hongkong…
- C’est vrai. Nous avons obtenu l’autorisation de proposer un calendrier d’été et nos clients ont beaucoup apprécié cette offre. Les restrictions ont été levées ensuite et pendant l'été, les gens ont à nouveau pu voyager, si bien que ces enjeux ont un peu reculé, mais on parle ici d’un repli de l’ordre de 5 à 10%. Si vous comparez ces enjeux à ceux d’avant la COVID, c'est encore beaucoup plus élevé. On observe un réajustement, c’est tout à fait normal.
- Vous avez évoqué un repli des enjeux locaux. C’est tout de même très nouveau…
- Oui, cela fait suite à une progression régulière sur plusieurs années. Je pense qu'il y a différentes raisons à cela. Il y a clairement des facteurs économiques, avec une économie moins dynamique à Hongkong, comme ailleurs, et les budgets sont plus tendus. La levée des restrictions liées à la COVID plus tôt cette année a aussi permis au public de voyager et de faire d'autres choses, comme aller au restaurant, etc. Globalement, nous observons un recul en nombre de parieurs, et en budget pour chacun d’entre eux.
- Cette baisse est donc compensée aujourd’hui par l’exportation de vos courses…
- La masse commune a en effet continué d’augmenter et elle nous a aidé à compenser le recul à l'échelle locale. Mais nous devons aussi évoluer pour nous adapter à l’environnement post-COVID qui est le nôtre. Nous devons rebondir et investir localement, proposer les meilleures courses possibles et rendre l'expérience client aussi bonne que possible, poursuivre notre développement.