Bientôt de nouveaux visages sur ces images...
D’après David Morgan, pour Asian Racing Report
10 octobre 2022, Hongkong. – Pour la première fois, le Hong Kong Jockey Club accepte d’intégrer des propriétaires étrangers pour améliorer la qualité des chevaux entraînés à Hongkong et se donner une chance d’augmenter les effectifs de pur-sang de haut niveau. HKJC a sondé un certain nombre de propriétaires-éleveurs internationaux au cours de cette année et parmi ceux-ci, le milliardaire chinois Zhang Yuesheng et l'éleveur-propriétaire sud-africaine Mary Slack Oppenheimer seront les premiers à avoir des représentants entraînés à temps plein à Hongkong.
Jusqu’alors, tout nouveau propriétaire devait être membre du Hong Kong Jockey Club, ce qui exige au minimum d’être parrainé par un membre votant. Désormais, être un résident de Hongkong ne sera plus obligatoire.
La casaque vert et blanc « Yulong » de M. Zhang sera d’abord portée par le cheval anglais Show Respect (Showcasing), récent deuxième des July Stakes (Gr2) à Newmarket. Le 2ans est arrivé à Hongkong le 10 dernier septembre et il sera entraîné par Douglas Whyte. Mary Slack, pour sa part, a délégué un poulain également venu d’Angleterre et arrivé vendredi 7 octobre pour rejoindre les effectifs d’un autre Sud-Africain, Tony Millard. Il s’appelle Wings of War (Dark Angel), c’est le frère aîné de Charyn, le récent vainqueur du Critérium de Maisons-Laffitte (Gr2), et il a lui-même terminé troisième l’été dernier du Prix de Ris-Orangis (Gr3) à Deauville et plus récemment des Hungerfod Stakes (Gr2). À 2 ans, il avait remporté les Mill Reef Stakes (Gr2) à Newbury.
« Nous avons choisi une approche très prudente en n’autorisant que des personnes physiques et non des entreprises, également impliqués dans l’élevage, a indiqué Winfried Engelbrecht-Bresges, PDG du Club. Il ne s’agit pas d’ouvrir nos portes à tous les vents mais de renforcer la portée mondiale des courses de Hongkong et il existe des acteurs qui, selon nous, peuvent aider notre démarche. Cela se fera en plusieurs étapes. »
Les effectifs de Hongkong ont diminué suites aux difficultés rencontrées par les propriétaires locaux pour acheter de bons chevaux dans un marché tendu par deux années de restrictions sur les déplacements. Confrontés à la pénurie de chevaux de qualité disponibles à l’achat à des prix raisonnables en Australie et en Europe, plusieurs propriétaires ayant obtenu des permis d’acheter un cheval n’ont pas été en mesure de profiter de cette autorisation, ce qui n’était jamais arrivé… « Il nous faut des bons chevaux, a déclaré l’entraîneur Tony Millard. Ces deux dernières années, les propriétaires ont dépensé beaucoup d’argent et ils n’ont rien trouvé. Vous ne pouvez pas sortir des chevaux d’Australie comme vous le faisiez auparavant parce que les petits actionnaires qui forment les énormes syndicats de propriétaires ne sont pas intéressés par la vente. C’est là, fondamentalement, que réside le problème. Pendant la Covid, les entraîneurs étaient assignés à résidence à Hongkong. La première année, ils ont été relayés par des courtiers qui ont acheté des chevaux dont nous n’aurions pas voulu. Devinez ce qui s’est passé ! L’année suivante, les propriétaires, échaudés, n’ont plus voulu investir. »
Progressivement, les pelotons des courses de haut niveau se sont amaigris. Le 1er octobre dernier, jour de la fête nationale de Chine Populaire, la première course de groupe de la saison à Sha Tin n’a attiré que sept partants…
Les jeunes imports de Yulong et de Mary Slack ont le profil que recherche le Hong Kong Jockey Club, même si une nouvelle répartition des allocations incite davantage le recrutement de chevaux capables d’aller au-delà de 2 000 mètres (lire notre article à ce sujet en cliquant ici). Wings Of War, qui a un rating de 107 (48,5kg) a été acheté par Mme Slack après avoir terminé troisième des Hungerford Stakes en août. Show Respect est passé à l’effectif de M. Zhang après sa victoire dans les July Stakes. Winfried Englebrecht-Bresges a rencontré le propriétaire chinois à Paris pendant le week-end du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe et s’est dit impressionné par sa « vision » internationale.
L’homme d’affaires est à l’origine d’une énorme opération d’élevage dont l’activité couvre l’Europe, l’Australie –où il est le premier éleveur dans la Province de Victoria–, les États-Unis et la Chine continentale. Ses meilleurs chevaux sur la piste sont la lauréate des Irish Oaks (Gr1) Magical Lagoon, celle des Oaks d’Australie Hungry Heart, et les poulains gagnants de Groupe 1 Tagaloa et Lucky Vega, qui a gagné les Phoenix Stakes l’an dernier au Curragh en Irlande. Il possède Yulong Stud à Victoria, un haras où sont basés cinq étalons, dont par l’étalon champion australien actuel Written Tycoon, et il entretient large un effectif de poulinières de haut niveau.
Mary Slack, elle, est la fille de Harry et Bridget Oppenheimer, de la compagnie minière De Beers. C’est un peu la famille royale du pays. Comme ses parents, l’héritière est aussi devenue une figure majeure des courses sud-africaines. Elle est propriétaire du haras Wilgebosdrift, qu’elle a elle-même créé, et du haras familial de Mauritzfontein avec sa fille Jessica. On estime qu’elle a sauvé récemment l’hippisme sud-africain en investissant environ 35 millions de dollars pour combler les pertes provoquées par la chute de l’opérateur de paris et d’hippodromes Phumelela avec la crise de la Covid.
C’est sous ses couleurs que Claymore, blessé depuis, a remporté en juin dernier les Hampton Court Stakes (Gr3) à Ascot –cette course a d’ailleurs déjà consacré des poulains ensuite importés à Hongkong– et elle a gagné son premier Durban July (Gr1) l’été dernier grâce à Sparkling Water.
Winfried Engelbrecht-Bresges a déclaré que le club sélectionnerait davantage de propriétaires basés à l’étranger dans l’optique d’une collaboration à long terme avec le Hong Kong Jockey Club, et a précisé que des acteurs réputés en Australie et en Nouvelle-Zélande avaient déjà été approchés.
On rappellera que les allocations à Hongkong sont sans commune mesure avec celles que l’on connait en Europe, même en France. Cela s’explique facilement : avec seulement deux réunions par semaine pendant dix mois dans l’année, les courses génèrent un chiffre d’affaires supérieur à celui de la France avec 140 hippodromes et environ 7 000 courses par an, sans compoter que France Galop doit aussi soutenir l’élevage. Le Hong Kong Jockey Club s’apprête aussi à exploiter son troisième site, à Conghua en Chine Populaire, pour y organiser des courses avec prise de paris, et non plus seulement des courses d’entraînement, à partir de 2023.
L’approche prudente de Winfried Engelbrecht-Bresges doit elle aussi être bien comprise. S’il y a une certaine urgence à fournir les effectifs de qualité de Hongkong, il faut aussi préserver le tissu de propriétaires locaux, qui ne verraient certainement pas d’un bon œil une importation massive d’opérateurs étrangers tels que Godolphin ou Coolmore. Il faut aussi s’assurer que les chevaux délégués par ces opérateurs étrangers ne soient pas systématiquement très supérieurs aux chevaux importés par les membres locaux, ce qui les découragerait pour de bon. D’un autre côté, l’entretien de chevaux de courses à Hongkong a un coût important, et personne n’a intérêt à y déléguer des chevaux incapables de gagner leur avoine.
La marge de manœuvre est donc étroite.
Idéalement, il faudrait que les propriétaires de Hongkong soient capables de se prendre en main et d’investir aussi judicieusement que ces nouveaux propriétaires, mais il faudrait pour cela qu’ils soient conseillés, de l’élevage à l’achat de chevaux clés en main, par des opérateurs compétents, honnêtes et motivés, ce qui ne se trouve pas, comme on dit, sous le pied d’un cheval, fût-il chinois, dans l’énorme pandémonium qu’est le monde des courses hippiques, et cela sur les deux Hemisphères !