Hong Kong Turf Retour

Antoine Hamelin : « J'ai beaucoup appris »

24/04/2025
Après cinq saisons intenses sur l'exigeant circuit hippique de Hong Kong, le jockey Antoine Hamelin s'apprête à retrouver la France. À 34 ans, il tire le bilan de cette expérience enrichissante qui l'a transformé, tant sur le plan professionnel que personnel, et évoque son avenir.  

Hongkongturf.fr : Alors, raconte-moi un peu. Ta saison est plutôt calme, c'est lié à ton départ prochain ?

Antoine Hamelin : Oui, j'ai une saison plutôt calme. C'est un peu en accord avec le club. C'est moi qui ai pris la décision de rentrer, et ça ne les dérangeait pas car ils vont avoir de nouvelles têtes qui arrivent, d'Australie je pense. Pour moi, c'est le moment de rentrer après 5 ans ici. Je suis très content, ça s'est très bien passé.

Hongkongturf.fr : Tu as quel âge maintenant ?

Antoine Hamelin : 34 ans. Et personnellement, dans ma vie, il y a des choses qui avancent et qui font que rentrer en France sera bien, notamment pour les enfants. Ma femme et moi sommes très heureux, ici, car nous adorons Hong Kong. Mais on a aussi des chevaux de concours en France dont il faut s'occuper. Ma femme fait du jumping, ses chevaux lui manquent et même si tout va bien, il faut s’en occuper davantage. Ça fait cinq ans qu'on est loin, et mis bout à bout, toutes ces petites choses font que c'est l'heure de rentrer.

Hongkongturf.fr : Quelle est la différence entre l'Antoine Hamelin qui est arrivé il y a cinq ans et celui qui s'en va ?

Antoine Hamelin : Il a beaucoup changé ! J'ai l'impression que je suis arrivé il y a vingt ans... J'ai mûri, grandi, beaucoup appris ici, techniquement à cheval mais pas seulement. J'ai appris certaines choses à cheval qui ne me serviront peut-être pas toutes en France, mais là où j'ai surtout changé, c'est dans ma tête, au niveau de la gestion de carrière et du relationnel. En France, j'étais très timide, je montais et c'est tout. J'avais presque peur d'appeler un propriétaire après la course, pas par peur d'avoir fait une bêtise, mais par timidité. Ici, il faut être constamment de l'avant, être en représentation, créer le contact.

Hongkongturf.fr : Tu as dû te faire violence au début ?

Antoine Hamelin : C'était horrible ! Je me cachais derrière les poteaux pour ne pas voir les gens. Mais ça ne marche pas ici, il faut faire le lien avec les clients. Je pense que c'est un très gros point positif qui me servira pour tout dans la vie, mais surtout pour les courses en France. Ce côté timide, c'est un peu ce qu'on me reprochait, et mon agent (Jules Susini) faisait un peu le tampon. Maintenant, je vais naturellement vers les entraîneurs ou propriétaires pour débriefer la course.

Hongkongturf.fr : Tu disais que ce que tu avais appris ici en course n'était pas forcément très utile en France. Qu'est-ce que tu veux dire ?

Antoine Hamelin : La physionomie des courses est trop différente. À Hongkong, c'est rapide dès le départ, et on finit souvent plus lentement. En France, c'est plutôt l'inverse, à savoir des courses plus lentes au début qui finissent en sprint. Je n'ai pas de préférence marquée, mais au début, j'étais un peu bridé par mon expérience française. Je me suis adapté assez vite. On prend vite goût à ces courses très rythmées. Ça m'aidera plus ou moins en France, c'est toujours une expérience en plus. Mais je vais devoir me remettre en mode "course française".

Hongkongturf.fr : Mais on progresse quand même, non ? Tony Piccone, par exemple, semblait avoir franchi un cap à son retour.

Antoine Hamelin : Oui, on progresse, on apprend énormément ici, sur tous les plans.

Hongkongturf.fr : Même pour le travail du matin ?

Antoine Hamelin : Oui, on apprend à travailler au chrono. On a une vraie base de temps, on sait à quelle vitesse on va. En France, c'est plus au feeling. Ici, c'est le chrono, à la seconde près. Maintenant, on a ce chrono dans la tête.

Hongkongturf.fr : Et ça, c'est utile même en course, pour juger l'allure ?

Antoine Hamelin : Oui. Même si on va vite ici, les chronos sont assez réguliers. On sait si on va trop vite ou pas. C'est important de savoir à quelle allure on va.

Hongkongturf.fr : En France, j'ai l'impression que les fractions les plus rapides sont souvent entre les 800 et les 400 derniers mètres, avant que tout le monde ne fatigue un peu. Ici, c'est différent ?

Antoine Hamelin : Ici, c'est plus régulier. Les derniers 400 mètres sont rapides, mais il n'y a pas vraiment de temps mort ou de moment où l'on reprend fortement comme parfois en France dans le tournant. C'est ça que je veux dire par la "rapidité d'ici" qui me servira moins en France, où tout va beaucoup plus lentement. Mais c'est sûr que ça va me servir aussi, car quand on est habitué à faire vite, c'est plus facile de faire doucement que l'inverse.

Hongkongturf.fr : Est-ce pour ça que peu de chevaux français réussissent ici ?

Antoine Hamelin : Je pense qu'il y a ça et les terrains. Les pistes sont tellement dures ici que les chevaux français, avec leurs articulations souvent plus souples et habituées aux bons terrains français (qui ne sont pas les bons terrains d'ici), ont du mal. Ici, il n'y a jamais de terrain vraiment souple, même quand il pleut. Ça décolle à peine, on a juste un peu de terre sur les lunettes. En France, il nous faut parfois trois paires de lunettes sur 1 800 m ! Ici, je n’ai jamais utilisé une deuxième paire, même sur 2 000 m. Et les distances sont plus courtes aussi, beaucoup de 1 200 m, un peu de 1 400 m…

Hongkongturf.fr : Les 1 000 m à Happy Valley, ça reste une expérience !

Antoine Hamelin : Oui, j'aime bien quand j'ai un cheval avec de la vitesse. On part pleine balle en descendant, tout le monde veut une bonne position. C'est marrant à monter quand on a un cheval qui est là, aux avant-postes. Si on n'a pas de gaz, en revanche, on ne passe pas un bon moment.

Hongkongturf.fr : Donc, tu retournes en France. Tu reprends ton agent, Jules Susini ?

Antoine Hamelin : Oui, exactement, je suis très content de le retrouver.

Hongkongturf.fr : Ça va être un luxe d'avoir un agent après avoir géré ça toi-même ici…

Antoine Hamelin : Ça va faire du bien de pouvoir relâcher un peu ce côté-là. J'ai énormément progressé, mais ce n'est quand même pas mon point fort naturel. Il y a des jockeys très forts là-dessus, peut-être moins sur la monte pure, et moi c'est plutôt l'inverse.

Hongkongturf.fr : Tu vas aussi redécouvrir le travail "à la campagne" et les déplacements...

Antoine Hamelin : Oui, les déplacements. Ça ne m'a jamais vraiment dérangé. C'est sûr qu'ici, c'est un gros luxe d'être à côté, on y prend goût. Mais je bougerai comme j'ai toujours fait : train, avion, voiture... Et puis, je serai content de retrouver plus de variété dans les pistes, les terrains, etc. Ici, on a que deux pistes qu'on connaît par cœur.

Hongkongturf.fr : Les propriétaires d'ici n’ont pas la même façon de voir les choses qu’en Europe, si ?

Antoine Hamelin : Ce que les propriétaires chinois aiment, c'est briller chez eux, montrer leur réussite à leurs amis et leur famille. Ils aiment voir leurs chevaux, être là pour eux. Ils les suivent vraiment. Beaucoup viennent le matin aux boxes, donnent des carottes, prennent des photos. Ce n'est pas que du business, c'est beaucoup une question d'image, de statut social, c'est un hobby. Quand leurs chevaux courent, ils font des tables avec tous leurs amis sur l’hippodrome.

Hongkongturf.fr : C'est pour ça que c'est compliqué : quand ça se passe bien, c'est formidable, mais quand ça se passe mal...

Antoine Hamelin : C'est la catastrophe! Ils discutent beaucoup entre eux, ils se connaissent presque tous. Donc, quand ça se passe bien, ça crée un cercle vertueux. Mais inversement, si un jour ils ne sont pas contents....

Hongkongturf.fr : J'ai du mal à comprendre comment certains jockeys comme Zac Purton arrivent à dominer autant. Comment devient-on Zac Purton ici ?

Antoine Hamelin : C'est un tout. Ce n'est pas que lui, c'est aussi tout son entourage. Sa femme est très présente, ils communiquent énormément, sont partout sur les réseaux sociaux, avec les propriétaires. Quand tu te crées un carnet d'adresses de bons propriétaires qui tourne, ils te contactent directement, et les entraîneurs n'ont plus trop le choix. Zac n'a pas tout à fait le même métier que les autres jockeys ici.

Hongkongturf.fr : C'est un phénomène.

Antoine Hamelin : Oui, et c'est un très bon jockey, on ne peut pas le nier. Il est aussi très bon sur les à-côtés et bien entouré. C'est rodé depuis des années, ça roule tout seul. Il récupère quasiment tous les bons chevaux. Si un cheval va bien courir, peu importe qui l'a monté avant, il va sauter parce que Zac l'a demandé.

Hongkongturf.fr : Après, il y a le numéro de corde, etc.

Antoine Hamelin : Oui, plusieurs choses entrent en jeu. Mais on n'a pas le même métier que Zac. Il y a d'autres jockeys qui ont beaucoup de soutien et de bons chevaux, sans que je les trouve exceptionnels à cheval. C'est le côté relationnel, social, qui peut faire la différence.

Hongkongturf.fr : Le fait d'être Chinois aide peut-être aussi pour communiquer ?

Antoine Hamelin : Oui, il y a ça aussi, car beaucoup de propriétaires ne parlent pas anglais.

Hongkongturf.fr : Tu avais gagné 5 courses le même jour à Sha Tin, mais ça ne t'a pas propulsé autant que tu l'espérais ?

Antoine Hamelin : Pas tant que ça, en fait. Je m'attendais à ce que ça me lance vraiment, mais j'ai été surpris.

Hongkongturf.fr : Mais ça reste une journée mémorable ?

Antoine Hamelin : C'était incroyable. Avant le coup, j'avais deux chevaux dont je pensais qu'ils pouvaient gagner. J'en gagne une, deux, trois... et après, tu as l'impression que tu peux gagner avec n'importe quoi. Le dernier, j'avais le 10 dans les boîtes, j'étais tout en dehors, je me suis retrouvé leader caché dans le tournant, je me suis dit "c'est bon !".

Hongkongturf.fr : J'ai remarqué, que ce soit à Happy Valley ou Sha Tin, que la meilleure place semble souvent être derrière le leader à la corde. Mais parfois, la tendance change complètement sur une journée ?

Antoine Hamelin : Oui, c'est quelque chose d'important ici : il faut regarder les premières courses. En fonction d'où ça gagne, ça risque d'être comme ça toute la journée. Hier à Happy Valley (mercredi 23 avril, ndlr), c'était mieux en dehors, alors qu'on était en lice C+3 (à 9 mètres, ndlr). On était déjà au milieu de piste. Il y a des jours comme ça, on ne sait pas pourquoi. On a vu 3 ou 4 gagnants venir en troisième épaisseur, nez au vent, ce qui est normalement ingagnable ici. Normalement, tu te fais défoncer ! Et hier, ça gagnait comme ça.

Hongkongturf.fr : Zac Purton s'est fait avoir d'ailleurs, en venant en dedans.

Antoine Hamelin : Oui, on s'arrête. Tu as l'impression que la corde est pourrie. C'est dur à expliquer car la piste est assez homogène, ce n'est pas comme à Saint-Cloud où tu vois clairement où il faut aller. La différence est minime, invisible à l'œil nu et dure à ressentir à cheval, mais c'est là.

Hongkongturf.fr : Malgré l'exiguïté de Happy Valley, les courses sont quand même assez régulières, non ? On n'est pas malheureux si souvent.

Antoine Hamelin : Oui, il faut juste être dans le rythme et avoir le bon parcours en fonction de la position de la position de la lice. Beaucoup de gens n'y prêtent pas attention, mais on retrouve souvent les mêmes tendances selon la configuration de la lice. Les statistiques, c’est énorme, ici…

Hongkongturf.fr : Je me souviens d'Alexis Badel qui râlait après la "Speed Map" (position estimée des chevaux après le départ, publiée avant les courses).

Antoine Hamelin : Ah la Speed Map.... Parfois, ça n'a aucun sens ce qui est indiqué, mais on peut s’attendre à ce que tu fasses ce qui est indiqué. Parfois, la Speed Map te situe en troisième épaisseur nez au vent, "mort" d’avance. L'avantage, c'est que si tu arrives à faire mieux, tout le monde est content !.

Hongkongturf.fr : On a l'impression ici que les chevaux ont des périodes de forme très intenses mais courtes. Ils peuvent gagner 2 ou 3 courses en un mois et demi, puis plus rien ?

Antoine Hamelin : Oui, c'est un peu comme ça. Quand la forme est là, il faut en profiter, "battre le fer tant qu'il est chaud". Les chevaux montent et descendent en forme. Quand ils sont au top, ils peuvent faire des surperformances, gagner plusieurs courses, monter de catégorie et rester performants. Et puis, d'un coup, la forme disparaît, ils s'écroulent.

Hongkongturf.fr : On les envoie un peu "à la campagne" à Conghua ?

Antoine Hamelin : Oui, souvent. J'y suis allé pas mal de fois. Ça aide un peu, mais la forme revient quand elle revient. Et puis ce sont des chevaux de handicap, une fois que leur valeur (rating) a monté, il faut qu'elle redescende pour qu'ils redeviennent compétitifs.

Hongkongturf.fr : Ton entraîneur favori ici ? Tu as pas mal travaillé pour John Size ?

Antoine Hamelin : Oui, pas mal. Il me fait régulièrement monter, me donne pas mal de chevaux, c'est agréable. C'est un peu notre André Fabre : il parle peu, il est discret, et puis d'un coup, il te donne trois chevaux avec une première chance.

Hongkongturf.fr : Il a moins de pression que les autres, peut-être ?

Antoine Hamelin : Oui, il a cette notoriété qui fait qu'il peut faire un peu plus ce qu'il veut que les autres, les plus jeunes notamment. Il a été champion 13 fois !

Hongkongturf.fr : Y a-t-il d'autres entraîneurs avec qui tu aimais bien travailler ?

Antoine Hamelin : John Size, Jamie Richards aussi, j'aime bien. En fait, c'est dur d'en sortir un. Il n'y en a pas avec qui je n'aime pas travailler. Certains sont plus compliqués que d'autres, comme partout. Mais John Size est quand même assez facile dans les instructions, il ne demande pas l'impossible.

Hongkongturf.fr : Un cheval auquel tu étais particulièrement attaché ?

Antoine Hamelin : Oui, un cheval de John Size, Beauty Fit. J'ai mis du temps à gagner avec lui, on finissait souvent 3ème ou 4ème, mais j'avais toujours des parcours de folie, même avec de mauvais numéros. Je prenais vraiment du plaisir à le monter, on avait une super entente. Il y a aussi Beauty Missile, pour Frankie Lor, que je monte dimanche. Il n'a jamais gagné, il est encore maiden, mais je suis souvent bien avec. J'aimerais vraiment gagner avec lui avant de partir.