Alan Aitken est un des experts les plus réputés des courses de Hongkong. Australien, il a exercé son métier de journaliste et présentateur dans la région de Sydney avant de rejoindre le quotidien anglophone de Hongkong, le South China Morning Post, en 2001. Il présente aujourd’hui une émission pour le Hong Kong Jockey Club, « The Winning Factor », qui apprend à considérer différents angles dans l’étude des courses pour en tirer un meilleur bénéfice. Il n’y a pas de meilleur interlocuteur pour comprendre les courses de Hongkong. Nous avons donc décidé de l’interroger !
Une des raisons pour lesquelles les courses de Hong Kong sont si réputées, y compris auprès des grands parieurs internationaux, est la richesse des données qui sont disponibles pour les étudier, leur régularité dans les conditions proposées, la maîtrise des effectifs disponibles en chevaux, en jockeys et en entraîneurs, avec un rythme confortable, une surveillance accrue et, bien sûr, des masses considérables. Ce qui, pour beaucoup en France, passerait pour de la routine est en vérité un environnement sain pour parier de façon intelligente et responsable.
Notre interlocuteur ici n’est pas dans la promotion d’un produit qu’il connait. Il nous donne des conseils.
Il serait peut-être judicieux de les écouter…
Les syndicats de parieurs représentant probablement de 10 à 20 % du chiffre d'affaires des courses de Hongkong (on estime cette contribution à 15% en France, ndt). La manière dont leurs machines parient est telle qu’il est impossible de suivre les mouvements de cotes, à moins d'être un analyste à temps plein et de chercher des tendances particulières. En revanche, on connait quelques règles de base que ce type de parieurs aiment suivre, le type de chevaux sur lesquels ils aiment parier, à savoir les chevaux qui vont devant et portent peu de poids... Si vous observez assez longtemps les tendances, vous verrez beaucoup d'argent, surtout à belle cote, sur ce genre de concurrents. Nous avons tous la possibilité d’isoler les « petits poids », et de chercher parmi eux qui prendra les devants.
Ces syndicats ne font rien d'illégal ou de malhonnête. Simplement, ils sont mieux équipés que nous pour évaluer les probabilités de victoire, tout comme les investisseurs professionnels en bourse font mieux que ceux qui restent à la maison avec le journal de la veille. En vérité, ils ont besoin de courses propres et intègres pour parier dans de bonnes conditions. Sans cela, leur modèle informatique ne fonctionne pas.
Les tendances du betting sur les couplés peuvent annoncer une prise sur certains chevaux, mais très tard. Si des mouvements sont observés sur des couplés dont les rapports sont très élevés, c’est certainement l'œuvre des programmes informatiques. Les professionnels et les pronostiqueurs évitent de conseiller de gros couplés, ici, car la culture locale est plus orientée vers les chevaux « sûrs » à petite cote. Les machines font des millions en pariant contre eux !
Il y a une idée reçue ici, qui a sans doute été exacte à une époque, selon laquelle les entraîneurs organisaient leurs engagements pour réunir les gagnants en une journée plutôt que des victoires ponctuelles ici et là. Il y a aussi de la superstition, la « loi des séries » ou la forme ! Cela vaut également pour les jockeys. De nombreux parieurs dans le public suivent donc tous les chevaux d’un entraîneur ou d'un jockey lors d'une réunion, en espérant que ce jour-là, l'entraîneur soit en veine, où qu’il ait préparé son coup ! Cela tient aussi au fait que les entraîneurs diffusent parfois leurs conseils à leurs propriétaires, qui ne sont pas toujours très experts. Il y avait une tradition selon laquelle beaucoup de professionnels faisaient le papier pour leurs propriétaires, qui n’étaient pas toujours experts en la matière et diffusaient à leur tour ces informations… Il y a même eu des cas où les propriétaires se sont regroupés pour placer différents chevaux dans de nombreuses écuries différentes pour obtenir tous les conseils des entraîneurs, et les agréger pour parier en syndicats. Mais je ne crois pas que cette méthode ait jamais fonctionné…
Il ne faut pas rayer les chevaux qui n'ont jamais couru - en règle générale, ils ont même tendance à être assez compétitifs en Classe 4, même s’ils n’ont pas montré grand-chose à l’entraînement. S’ils sont à moins de 20-1, ils ont tendance à surperformer.
J'ai grandi avec les courses d’entraînement (barrier trials) en Australie. C'est devenu très important alors qu’il y a quarante ans, personne ne semblait s’en préoccuper. J’ai toujours trouvé ça étrange, d’ailleurs ! J’ai donc pas mal d’expérience et j’ai pu remarquer qu’il y avait beaucoup d’erreurs sur leur interprétation. Pour commencer, rappelez-vous toujours que dans ces courses d’entraînement, personne n'a besoin de tout donner pour gagner ou finir près. Ces essais sont des aides à l’entraînement, pas des courses ; l'ordre d'arrivée n'a aucune importance.
Il n'y a pas de vérifications ou de restrictions concernant le poids porté non plus. Un jockey senior lourd comme Bowman peut peser 56 kg lors d'un essai, tandis qu'un nouvel apprenti peut peser 47 kg. Ensuite, l'entraîneur peut mettre du poids dans la selle s'il le souhaite. Personne ne vérifiera. On n’en sait rien.
Les courses sont plus stressantes : les chevaux se bousculent et doivent se battre, alors que dans les barrier trials, tout le monde a de la place, chacun va où il veut et fait son truc. N’importe qui peut faire bonne impression. Il faut surveiller les chronos, en particulier en les comparant à d'autres essais le même jour, et non pas seulement ce que vous voyez. Une victoire facile dans un trial lent peut être un très mauvais indicateur. Un trial qui a l’air moyen mais avec de bons temps sera plus révélateur. Et n'oubliez jamais que pour les chevaux expérimentés, la performance en course est plus importante que celle réalisés dans un trial. Un cheval qui réussit en course mais fait moins bonne impression à l’entraînement doit être gardé. Peut-être qu'il n'était justement pas au point et que l’essai ne servait qu’à préparer la course.
Je sais que certaines personnes font attention à ça mais pas moi. J'ai vu des chevaux devenir favoris à cause d'un atout alors que l'entraîneur avait simplement voulu s’assurer que leur propriétaire aurait un partant pour son anniversaire…
C'est une question très intrigante. Pour ma part, je pense que ce n’est pas si déterminant. Le poids des chevaux n'est utile que pour les entraîneurs, car ils savent ce qui se passe dans leur quotidien. Mais qu'est-ce qui est mieux : perdre du poids ou en prendre ? Nous nous disons souvent qu’on est plus en forme si l’on a perdu du poids. Et c’est donc cette règle que nous avons tendance à vouloir appliquer. Pourtant, si un cheval en pleine campagne gagne et continue de prendre du poids, est-ce un problème ? Le regretté Bart Cummings (entraîneur australien, il a sellé douze gagnants de la Melbourne Cup, ndt) était content quand ses chevaux prenaient du poids au cours d'une campagne, car c'était un signe de santé et de progrès, pas un excès. Je suis sûr que beaucoup d’entraîneurs seraient d’accord avec lui. Il y a donc un doute. Du reste, peut-être qu'un cheval perd du poids non pas parce qu'il est plus en forme, mais au contraire parce qu'il ne mange pas bien ou parce qu'il est malade. Lorsqu’on a commencé à publier le poids des chevaux à Hongkong, on les pesait à 2 jours de la course, puis juste avant. Les changements étaient parfois extraordinaires - parfois jusqu'à 30 kilos. On interrogeait les entraîneurs, et ils ne comprenaient pas ce qu’il se passait. Beaucoup de chevaux pesaient jusqu'à 10 kilos de plus à Happy Valley qu'à Sha Tin - parce qu'ils mangeaient à des moments différents en raison de l'horaire de transport. Le club a ensuite abandonné les deux pesées car trop de questions se posaient…
Dans les courses de lévriers, on cherche à obtenir un poids constant, et une variation importante, à la hausse ou à la baisse, est vue comme mauvaise, et c'est peut-être la meilleure approche, mais je considère les poids des chevaux comme pertinents seulement si l'on sait ce qui se cache derrière ces changements... et comme je ne le sais pas, je ne m’en occupe pas.
Je sais que les syndicats ont étudié l'influence du poids corporel des chevaux pour leurs algorithmes, et ils sont arrivés à la conclusion que ce n'était pas important.